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La sécheresse déboussole l’agriculture - Paris Match

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Les aléas climatiques entraînent des mauvaises récoltes, laissant craindre de moindres revenus pour les cultivateurs et les éleveurs.

Dans les champs et les vergers, rien ne se passe comme d’habitude. Jamais, depuis 1959, un mois de juillet n’avait enregistré de si faibles précipitations. Cette sécheresse dure depuis le printemps, et, conjuguée aux fortes pluies de l’automne précédent, elle perturbe l’agriculture, bouleverse les calendriers et détériore les rendements. En Bourgogne, les vendanges débutent avec un mois d’avance dans les 4500 exploitations. « Nous n’avons jamais commencé si tôt, même en 2003 », assure Thiébault Huber, président de la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne, qui s’attend à un millésime intéressant. Le blé, semé lors d’un automne pluvieux, n’a pas pu enfoncer ses racines profondément dans le sol. Il a tellement souffert que cette année sera la troisième plus mauvaise récolte en vingt-cinq ans ans. Les cours sur ce marché mondial n’ayant pas grimpé, les prix ne compenseront pas la moindre production.

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« Les producteurs accuseront des baisses de revenu à cause des rendements décevants », prévoit Nathan Cordier, responsable de l’analyse de marché chez Agritel, société de conseil sur les marchés agricole et agro-alimentaire.Il redoute aussi que « la canicule mette en danger les cultures d’été, comme le maïs et le tournesol, grâce auxquelles les cultivateurs auraient pu limiter les pertes ». La récolte des fruits de la vallée du Rhône, victimes d’un hiver doux et de gelées, s’annonce mauvaise. Celle des abricots, par exemple, devrait être la pire depuis 12 ans –même si, dans ce cas, la hausse des prix devrait limiter les pertes de chiffre d’affaires. Alors que les deux tiers des céréales produites en France sont destinés à l’alimentation animale, les éleveurs ne sont pas épargnés. Ils ont commencé à puiser dans leurs stocks de fourrage d’hiver, les bêtes ne pouvant plus s’alimenter dans des prairies brûlées par le soleil.

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L’impact du réchauffement climatique, massif et répétitif, nous amène à construire l’agriculture des vingt prochaines années

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Ces dérèglements n’ont plus rien d’exceptionnel et devraient encore s’amplifier. «Nous vivons la quatrième année de sécheresse consécutive avec le constat d’une augmentation des risques d’aléas comme les risques d’orage, de grêle, de sécheresse, de canicule et même de gelée, remarque Patrick Bertuzzi, directeur de l’unité Agroclim de l’Inrae. La moindre gelée peut avoir des effets plus importants sur un végétal devenu plus sensible parce que plus en avance dans son développement à cause du changement climatique. Nous allons très probablement vers une plus grande irrégularité des productions d’une année sur l’autre. » Pour répondre à l’urgence, le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, a débloqué des aides - des dégrèvements fiscaux ou l’ouverture du régime des calamités agricoles- et signé des dérogations, octroyant notamment le droit d’utiliser les jachères pour faire paître les bêtes. « Il faut attendre quelques semaines pour constater les pertes, qui seront très hétérogènes d’une région à l’autre. Nous serons là pour accompagner les agriculteurs», détaille-t-il.

«C’est un premier pas classique, mais ces mesures ne seront pas suffisantes », prévient Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. Par ailleurs, le ministre finalise ces jours-ci le volet agriculture du plan de relance, qui sera présenté le 25 août prochain : «L’impact du réchauffement climatique, massif et répétitif, nous amène à construire l’agriculture des vingt prochaines années, en la protégeant, avec des filets anti-grêles ou des fusées qui permettent d’éclater les orages, en l’adaptant, avec la recherche de semences plus résistantes à la sécheresse ou en optimisant la ressource, en favorisant une bonne répartition dans l’usage de l’eau par exemple».

Les arrêtés de restriction sont nombreux : pas moins de 173 arrêtés sont en cours cet été dans 78 départements

Pour faire face à cette nouvelle donne, certaines solutions déjà appliquées, comme l’anticipation des semis, ne suffisent plus. « Selon tous les experts, l’agroécologie apparaît de plus en plus comme une réponse à l’adaptation de l’agriculture au changement climatique en matière de gestion de l’eau, de préservation de la fertilité des sols avec des pratiques qui permettent que le sol redevienne un milieu plus vivant à même de davantage stocker l’eau. L’agroécologie s’inscrit dans une adaptation de fond et de long terme pour améliorer la résilience des systèmes agricoles.Cela passera probablement par une baisse des rendements, mais ils seront sans doute plus réguliers», explique Patrick Bertuzzi. L’amélioration de la gestion de l’eau pour un secteur qui représente la moitié de la consommation annuelle nette, et les trois quarts en période estivale, semble indispensable. Les arrêtés de restriction sont nombreux : pas moins de 173 arrêtés sont en cours cet été dans 78 départements, selon le relevé de Propluvia. Coauteure d’un rapport sur les conflits d’usage de l’eau, la députée Frédérique Tuffnell pointe la « cristallisation des conflits autour des usages de l’eau avec des pénuries concernant de plus en plus de départements ». Elle déplore «le manque d’anticipation » sur ce sujet, la « faible connaissance des prélèvements » et insiste sur « la nécessité de mettre tout le monde autour de la table pour concilier les usages ».

En attendant une grande loi sur la nature évoquée pour l’an prochain, la députée déposera un amendement au projet de loi de finances pour doubler les amendes en cas de non-respect des arrêtés de restrictions d’usage d’eau. Quant à son stockage, il continue de faire débat. Julien Denormandie le sait. En exprimant sa volonté de simplifier la construction de retenues d’eau, il a déclenché une polémique : « L’eau est propice aux conflits d’usage. Il faut sortir du dogmatisme, tout n’est pas noir ou blanc. Je ne crois pas que ce soit par l’amende ou par la taxe que nous améliorerons l’usage de l’eau, mais en établissant des cadres de concertation à l’échelle des bassins versant.» Pour les spécialistes, comme Julien Tournebize, chercheur de l’unité HYCAR de l’Inrae, ce ne pourra être une solution pérenne : «risque des stockages est d’amplifier le phénomène et la durée de l’assèchement des cours d’eau pendant la sécheresse, les assecs. Cela peut être envisageable sur le court terme quand un plan de gestion de l’eau est adopté, en priorisant par exemple les écoulements pour le cours d’eau à l’aval. Mais, à plus longue échéance, si de moins en moins d’eau est disponible, on ne pourra plus en utiliser dans les mêmes proportions. » Tout le système agricole sera alors à revoir.

DES PRODUCTIONS EN BAISSE par rapport à 2019
- 27 % Abricot
- 17,8 % Orge
- 8 % Pêche
- 4,8 % Colza

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August 20, 2020 at 12:25PM
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