Publié le 7 sept. 2020 à 9:55Mis à jour le 7 sept. 2020 à 9:58
La rentrée agricole sera chaude au Parlement avec la modification de la loi sur l'interdiction des néonicotinoïdes, le projet de référendum d'initiative partagée (RIP) sur les animaux en particulier l'interdiction de l'élevage intensif, les suites de la convention citoyenne sur le climat.
Autant dire que les messageries électroniques, les permanences de député, de sénateur et celles de nombreux élus locaux vont chauffer cet automne. Ils devront chacun se positionner sur ces sujets très sensibles dans l’opinion et en même temps complexes car touchant au vivant. Ils devront souvent le faire seuls car les divergences d’opinion traversent les différentes sensibilités politiques. N’oublions pas également que les élections régionales sont dans six mois et l'élection présidentielle dans moins de deux ans. Autant dire que le monde agricole va traverser une longue période à haut risque.
Les Français sont de plus en plus sensibles aux questions environnementales. Mais surtout ils sont de plus en plus conscients que leur santé dépend beaucoup de la qualité de leur alimentation. Aussi s’intéressent-ils de plus en plus à l’agriculture sans pour autant en regarder objectivement la réalité pratique.
Une question de rythme
Les débats seront donc nombreux dans les mois qui viennent et distilleront en sourdine une longue musique persistante et bien souvent critique envers les pratiques agricoles. Les agriculteurs se sentiront une nouvelle fois incompris, parfois agressés, souvent mal aimés et le clivage avec le reste de la société risque de s’agrandir. Dans le climat actuel des dérapages violents sont malheureusement à craindre.
L’agriculture évolue, mais à son rythme : celui des saisons. Les agriculteurs conduisent ces changements avec prudence car leur revenu en dépend. Il demeure également, reconnaissons-le, de nombreux freins voire quelques blocages. Notre écosystème complexe de conseil-recherche-développement agricole est confronté aux mêmes difficultés. Le temps médiatique, le temps de la société, le temps des marchés, le temps politique, le temps cultural et agricole ne sont en effet pas synchrones.
Ces transformations profondes demandent de la détermination, de la patience et de la compréhension, alors que la société, soyons honnêtes, a elle aussi sur ces sujets, ses propres blocages, pensons par exemple aux techniques génomiques.
Tentation démagogique
L’utilisation des produits de santé des végétaux, le bien-être animal, la gestion de l’eau, l’agroécologie, l’édition génomique sont des sujets complexes, techniques. Ils requièrent à la fois beaucoup de compétences scientifiques, de pédagogie et de doigté politique pour décider selon la science et non les croyances. On est très loin du simplisme et de la démagogie.
Les agriculteurs sont depuis longtemps socialement minoritaires, ils sont également de plus en plus divisés. Il est donc très tentant pour un homme politique de chercher à rassembler l’opinion autour d’un discours simpliste aux couleurs prétendument vertes sans se préoccuper, ni des réalités agricoles dans les champs ou les étables, ni des conséquences pratiques pour ceux qui en vivent. Cela est vrai toutes tendances politiques confondues.
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Le monde agricole doit donc sans cesse expliquer, rassurer, prouver, chasser les informations fausses mais tout cela reste défensif. Alors dans ce contexte comment avancer ? Comment articuler les différents tempos ? Deux concepts issus du management des entreprises me paraissent particulièrement adaptés.
Détermination et souplesse : s’agissant du temps long il est indispensable de partager une vision, de fixer un cap à long terme et de s’y tenir avec détermination. S’agissant du vivant il faut savoir faire preuve de souplesse et d’agilité dans l’action tout en gardant intangible le cap.
Concertation et cohérence : déterminer le cap et la feuille de route demande beaucoup de concertations entre les parties prenantes. Une fois le consensus trouvé ou l’arbitrage rendu il faudra être capable de dépasser ses différences de sensibilités pour tenir un discours commun. Sans cela il n’y a pas de sentiment de cohérence et donc pas de confiance possible.
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La feuille de route ainsi établie constitue à la fois le cadre commun de l’action et le phare pour éclairer tous les agriculteurs et l’ensemble de la société précisément sur le sens de l’action.
Cette question interpelle les responsables politiques comme les représentants du monde agricole. La première étape me semble-t-il serait que les quatre familles syndicales construisent ensemble une feuille de route négociée avec les pouvoirs publics et un maximum de représentants des différentes parties prenantes (sans toutefois rechercher l’impossible exhaustivité !). S’agissant du temps long le futur commissariat au plan pourrait être le lieu propice à ces échanges. C’est une démarche importante mais difficile, c’est pour cela qu’il faudrait vite l’enclencher.
Jean-Marie Séronie est agro-économiste indépendant, membre de l’Académie d’agriculture.
September 07, 2020 at 02:55PM
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Opinion | Agriculture : ça va chauffer à l'automne ! - Les Échos
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