L'éco d'après | La Covid-19 a mis en lumière la pénurie de main-d'œuvre dans l'agriculture, la fermeture des frontières empêchant de surcroît l'embauche de travailleurs migrants. La robotisation du secteur agricole va-t-elle s'accélérer ? Une étude du CEPII conclut à cette possibilité d'ici 5 à 10 ans.
Identifier une framboise mûre, s'en rapprocher très lentement, la saisir de ses deux bras d'acier, délicatement la déposer : le robot qui sait le faire existe déjà.
Il a fait sa première démonstration il y a un an en Angleterre, et a été surnommé ROBOCROP, crop comme récolter. Il peut cueillir 25 000 framboises par jour, contre 15 000 pour un humain travaillant 8 heures par jour. Pour voir à quoi il ressemble, suivez ce lien qui vous mènera à l'article du Guardian dans laquelle est postée une vidéo.
Si ce robot est né outre-Manche, c'est parce qu'après le vote du Brexit, les agriculteurs britanniques ont eu du mal à recruter de la main d'oeuvre étrangère, et que le gouvernement a débloqué 130 millions de livres pour la recherche agricole, et l'aide à la transformation des exploitations.
Les mêmes causes produiront les mêmes effets après la Covid-19, prévoit une note d'étude que vient de publier le CEPII, le centre d'étude et de prospective d'informations internationales.
Cela a été le manque de bras, suite aux deux guerres mondiales au XXe siècle qui a permis de développer la mécanisation, je pense aux céréales, on est passé à la moissonneuse-batteuse, là, c'est peut être ce manque de bras, de saisonnier qui va développer l'équivalent. Lionel Ragot, co-auteur de l'étude.
En France, 34% des emplois dans l'agriculture sont des emplois saisonniers, et dans ces 34%, un quart vient de l'étranger. Les données sont difficiles à trouver reconnaît le chercheur, mais cela représenterait 200 000 personnes par an.
Pourrait-on remplacer cette main d'oeuvre par de la main d'oeuvre locale mieux payée ? Les Etats-Unis ont essayé en 1964, leur frontière a été fermé aux 500 000 travailleurs agricoles mexicains, l'objectif n'a pas été atteint rapporte une étude récente citée par le Cepii.
Clemens et al. (2018) ont étudié la fermeture d'une frontière américaine politique qui, en 1964, conduit à l'exclusion d'environ un demi-million de salariés saisonniers mexicains (braceros) de l'agriculture. L'objectif était d'améliorer salaires et emploi travailleurs agricoles locaux. Mais les résultats de Clemens et al. (2018) montrent qu'au lieu de se tourner vers la main-d'œuvre locale pour faire face à la pénurie de saisonniers étrangers, les agriculteurs américains ont remplacés le travail par du capital physique, quand c'était possible, et sinon, qu'ils ont réduit leur niveau de production. Citation de l'étude du Cepii.
Substituer la main d'oeuvre étrangère par la locale, ce fut aussi l'objectif de l'application "Des bras pour mon assiette". Au tout début du confinement, le ministre de l'Agriculture appela "l'armée des ombres", c'est-à-dire tous ceux et celles qui étaient sans emploi ou au chômage partiel à rejoindre les agriculteurs.
Moins de 15 000 contrats ont été signés, selon le ministère de l'Agriculture. La FNSEA, elle, donne le chiffre de 10 000, et Lionel Ragot, doute de la fiabilité de ces chiffres. En Grande Bretagne, fait-il valoir, il y a eu 50 000 candidats pour une application similaire et 200 contrats signés.
Pour l'immédiat donc, impossible pour les agriculteurs de se passer des travailleurs migrants pour la saison qui vient, les frontières ont d'ailleurs très vite été ouvertes pour les travailleurs migrants agricoles.
Cette pénurie de main d'oeuvre n'est pas que conjoncturelle estime Lionel Ragot. Tant que l'épidémie circule, et qu'il n'y a pas de vaccin, il y a un risque que les frontières se ferment à nouveau. Le risque est aussi politique.
Toute crise économique entraine généralement un retournement des opinoins publique en défaveur de l'immigration, d'autant plus quand elle est consécutive à une pandémie comme celle là, où le virus circule avec les personnes. Voilà pourquoi on pense que cette crise de la main d'oeuvre elle n'est pas que conjonctuelle, et que les agriculteurs ne peuvent pas se permettre de ne pas faire leur récolte normalement. Lionel Ragot, Cepii.
Pour les économistes du Cepii, les robots cueilleurs feront partie du paysage agricole d'ici 5-10 ans. Une vision d'horreur pour la Confédération Paysanne, qui plaide pour un changement de système agricole.
Ce choix là, il va encore plus couper le monde paysan de la demande sociétale de se reconnecter à la nature. Ce ne sont pas des robots qui vont nous donner des clefs pour répondre au dérèglement climatique. Toute cette mécanisation réclame des ressources que l'on sait ne pas être infinies. Nicolas Girod.
A l'inverse, pour la FNSEA, la robotisation pourra contribuer à rendre plus attractifs les métiers agricoles parce que moins pénibles. Hors période de crise Covid-19, 10 000 emplois agricoles en CDI sont non pourvus.
Les robots vont arriver, ce qui va peut être nous permettre d'être moins dépendant de la main d'oeuvre étrangère, mais on aura toujours besoin de main d'oeuvre, une main d'oeuvre plus qualifiée même. Mickaël Jacquemain, responsable de la FNSEA pour les questions d'emploi.
Substituer la main d'oeuvre agricole étrangère par de la main d'oeuvre locale, ce fut l'espoir de l'application "Des bras pour ton assiette" où 300 000 personnes se sont inscrites pour travailler dans les champs pendant le confinement. Là encore, la FNSEA et la Confédération paysanne ont une vision diamétralement opposée de la réussite de cette opération. Pour le syndicat agricole majoritaire, cette crise du Covid-19 va peut être susciter des "crises de vocation" en faveur de l'agriculture. Pour le syndicat paysan, tant que les métiers ne seront pas revalorisés, et le système agricole revu en profondeur, il n'y aura pas de réels changements.
July 02, 2020 at 12:16PM
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Manque de bras dans l'agriculture : la solution robotisation ? - France Culture
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